Entretien avec Firdaous Miyouf – Réécrire son histoire
Écrit par Sylvie Gourde
Des éclats de rire fusent à travers les anecdotes, confidences, prises de conscience qui alimentent les discussions et témoignages, livrés en catimini, le jeudi matin, au Centre-femmes de Bellechasse.
Depuis octobre 2019, Firdaous Miyouf anime avec brio et intuition l’atelier Récit de vie en compagnie d’un petit groupe de Bellechassoises.
Même si l’activité figure depuis plusieurs années déjà à la programmation du Centre-femmes, Firdaous a eu l’idée d’ajouter de nouvelles épices à la recette. Il en résulte un échange savoureux en réminiscences inspirantes. «On ne peut refaire le passé, mais on peut apprendre de lui», explique la jeune animatrice avec pédagogie.
Dans le respect de la philosophie et de la mission de l’organisme, Firdaous puise dans l’actualité des sujets féministes. Elle possède un solide bagage pour entamer la discussion et diriger le groupe. Elle prépare judicieusement les thématiques, fouillant dans les livres, revues ou sur le NET à la recherche de vidéos qui servent d’amorce. «Je m’implique émotionnellement avant de proposer un sujet afin d’être certaine d’avoir cherché dans tous les recoins divers arguments qui permettront aux femmes de réfléchir sur leur propre parcours et d’en rédiger des témoignages qu’elles laisseront.»
En tant que femmes, nous sommes toutes touchées, de près ou de loin, par notre féminitude. Influences, traditions, lois, diktats, nécessités, physiologie, rôles, statuts, et quoi d’autre, ont coloré de défis nos luttes quotidiennes et orienté nos attitudes, nos comportements, nos silences.
À travers les causeries et les textes qui surgissent, les femmes mettent des mots sur des situations que parfois elles ne savaient pas comment nommer. Les prises de conscience aident à lâcher prise sur certains pans du vécu qui ont ciselé la personnalité et «à réparer» subtilement des comportements anciens. Dans un langage inspiré par le cœur, les mots guérissent, élèvent, libèrent un espace nouveau, une présence à soi d’abord, puis à l’autre.
Il en résulte un heureux sentiment de créativité, d’adaptabilité, d’autonomie, de joie. Car si on ne peut réécrire notre légende personnelle, on peut désormais conjuguer au présent, avec des verbes d’action et d’affirmation, une réalité qui ouvre sur un monde aux possibilités infinies. Pour changer le futur, il faut laisser derrière soi, en toute lucidité, l’inutile, l’obsolète.
Née en Belgique de parents d’origine marocaine, Firdaous a quitté son Bruxelles natal, en juillet dernier, pour oser un nouvel itinéraire de vie.
Détentrice d’un diplôme en alphabétisation de l’Institut Roger Guilbert, à Bruxelles, Firdaous a peaufiné durant deux ans ses apprentissages au Collectif d’Alpha de cette ville.
Son bagage académique et son parcours professionnel en faisaient une candidate idéale pour joindre les rangs de l’équipe d’Alpha Bellechasse de Saint-Anselme.
Formatrice en alphabétisation, elle donne, depuis le 19 août 2019, des cours d’apprentissage de lecture, d’écriture et des mathématiques à des adultes de la région afin de les aider à créer «du sens au signe et des signes au sens» des mots. Elle accompagne également des travailleurs immigrants désireux d’apprendre le français pour faciliter leur arrimage à la société québécoise.
S’ajoute à son horaire le projet Récit de vie issu d’un fidèle partenariat entre les deux organismes Alpha Bellechasse et Centre-femmes.
Même si la langue française reste semblable d’un pays à l’autre, Firdaous découvre avec ravissement nos parlure et parlotte québécoises et les subtilités qui se faufilent dans la compréhension de certains mots. «Il me faut parfois décoder les messages, car nous n’avons pas les mêmes références culturelles.» À son tour de glisser quelques particularités linguistiques et d’amuser la galère.
Vive, sensible et enjouée, Firdaous s’impose déjà comme un personnage d’envergure dans le Récit de vie de ce noyau de femmes galvanisées par l’énergie vibrante de ce riche partage amical.