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L’austérité a-t-elle un sexe?

Le Centre-Femmes de Bellechasse travaille à l'amélioration de la condition de vie des femmes

L’austérité a-t-elle un sexe?

Depuis les dernières élections, nous vivons au Québec dans un climat d’austérité. Étant donné que ce mot faisait peur aux gens et aux banquiers, on a préféré dire «rigueur». Fréquemment, nous entendons le terme «coupures» qui rime avec «menaces de fermeture». Un climat de peur s’est installé. La peur de perdre son emploi a généré la peur d’investir dans des projets. Ce climat d’incertitude devient de plus en plus désagréable et malsain. Nous sommes en droit de nous questionner sur quelles personnes sont les plus touchées dans ces choix politiques. Car ce sont bien des choix politiques qui ont créé ce climat de peur dans notre société aujourd’hui.

Regardons de plus près les domaines touchés par ces coupures.

Éducation : coupures de postes de soutien aux élèves, coupures dans des métiers qui demandent beaucoup d’études et qui rapportent un bon salaire.

Santé : coupures dans le réseau au niveau des cadres, abolition des Agences de santé et réorganisation monstre dans le domaine de la santé.

Services sociaux : coupures dans les services de garde des Centres à la Petite Enfance (CPE), dans les services directs aux enfants.

Aide à l’emploi : coupures dans les Carrefours Jeunesse Emploi (chez nous, une employée de moins)

Aide sociale : mise en place de nouvelles lois et procédures concernant les nouvelles demandes qui compliquent l’obtention du premier chèque.

Abolition de la Conférence régionale des ÉluEs, des Centre locaux de développement, des Forums jeunesse (lieu de développement de la citoyenneté chez les jeunes).

Etc.

Quand j’analyse les secteurs visés, je remarque que ce sont des emplois majoritairement occupés par des femmes. Le tiers des emplois féminins se concentrent dans dix professions. Nous retrouvons majoritairement des femmes dans l’éducation, les soins aux personnes, la vente, les services et le soutien administratif.

Depuis 2008, plus de la moitié des femmes sont devenues les cibles de graves réductions budgétaires. C’est un important recul pour la condition féminine. Ces compressions budgétaires mènent à l’appauvrissement des femmes. Appauvrissement dès aujourd’hui si l’emploi n’existe plus, mais aussi dans le futur, car elles ne peuvent plus cotiser pour leur retraite et contribuer par leur travail à l’évolution de la société. Les compressions salariales ont d’abord visées les postes féminins. Les femmes perdent ainsi une autonomie économique si chèrement acquise.

Ces coupures peuvent aussi engendrer l’éclatement familial et aller jusqu’à la violence conjugale. Combien de chicanes de couples proviennent des problèmes d’argent? C’est souvent le principal sujet de discorde dans le couple.

L’austérité génère une hausse de chômage, amène stress et anxiété. La vente d’antidépresseurs n’a jamais été aussi élevée qu’aujourd’hui. Et qui consulte davantage les services médicaux? Les femmes. Elles y vont pour elles et aussi pour la famille.

Traditionnellement, la femme a des revenus moindres que l’homme. Donc si un membre de la famille doit quitter son emploi pour s’occuper des enfants, des parents en perte d’autonomie, c’est habituellement la femme qui le fera. Elle se privera de son autonomie financière et cotisera moins pour sa retraite. C’est comme cela que les femmes deviennent plus pauvres en vieillissant.

On remarque pour l’année 2008, une différence importante au niveau du nouvel argent injecté dans l’économie par des mesures de relance économique. Quelque 7,3 milliards $ont été investis dans les secteurs traditionnellement masculins comparativement à 3,5 milliards pour les secteurs féminins. De plus, il y a eu des réductions de 13 milliards $ dans les secteurs traditionnellement féminins versus 9,9 milliards pour ceux masculins. On injecte moins et on réduit plus dans les métiers de fille. Pourquoi?

Avait-on vraiment besoin de couper dans nos services? Il est sidérant de lire dans l’actualité ce qui se passe au sujet des paradis fiscaux! C’est de l’argent qui ne circule plus ici, c’est de l’impôt non payé qui ne rapporte rien à notre société, car mis hors circuit. C’est un énorme manque à gagner pour nous tous. Nous avons les moyens de nos services, mais pour cela, il faut arrêter l’hémorragie. Nous n’avons plus les moyens de cautionner les privilèges de riches!

Si, dans les nouvelles, les données étaient sexuées, c’est-à-dire qu’à chaque message, il y aurait des données hommes /femmes, ces constatations nous sauteraient aux yeux. Les réactions seraient vécues différemment par notre communauté féminine. Nous devons être aux aguets pour conserver nos acquis. Ce sont des luttes à continuer et nous avons besoin des jeunes femmes pour nous épauler. Arrêtons de dire que l’égalité est atteinte, nous avons encore beaucoup de chemin à faire pour y accéder.

Références : Recul des conditions de vie des femmes au Québec en 2015 de l’R des Centres de femmes du Québec et Institut de Recherche et d’Information Socio-économique (IRIS).

Caricatures : google images
Marjolaine Montminy