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L’effet «I» de Marjolaine Montminy

Le Centre-Femmes de Bellechasse travaille à l'amélioration de la condition de vie des femmes

L’effet «I» de Marjolaine Montminy

Tout dans son parcours de vie devait conduire Marjolaine Montminy à la coordination du Centre-femmes de Bellechasse pour en faire un organisme d’envergure sur la scène régionale.

Née à La Durantaye, Marjolaine déménage avec sa famille à St-Michel de Bellechasse vers l’âge de cinq ans. Elle fréquentera d’abord l’école de rang, les deux premières années du primaire, avant de faire son entrée au Couvent de St-Michel. Sans le savoir, elle emboîte le pas dans sa première réforme, celle de l’éducation.

Déjà, les religieuses détectent chez cette élève douée et coopérative des talents particuliers pour la musique. Elle chante admirablement bien, dirige la chorale lors des messes au couvent, lit l’épître. Cette première tribune lui donne aisance et confiance comme animatrice. Toute sa vie durant, la musique demeurera omniprésente. Ce souffle intérieur puissant l’inspirera à composer sa propre mélodie, à jouer une note unique sur la vaste portée communautaire.

Elle apprend également à coudre, à tricoter, à broder, à tisser, à cuisiner. Aînée de la famille, elle garde à maintes reprises frères, sœurs, cousins, cousines et enfants du voisinage. Elle prend très tôt de la maturité et enfile les tâches avec dévouement et un grand sens des responsabilités.

Elle complétera son secondaire à l’école Champagnat de Lévis, fréquentera deux années le cégep de Lévis-Lauzon puis entamera des cours à l’Université Laval en géographie d’abord, puis en Arts et traditions populaires, en deuxième session. Elle suit également une formation en entrepreneuriat. Sa soif d’apprendre demeure inaltérable, alimentée par la lecture, les formations diverses, les tables de concertation.

Ses connaissances et ses réalisations artisanales en font une candidate toute désignée pour décrocher son premier emploi d’été à la Boutique d’artisanat la Mère Michel, sise en face du Moulin de Beaumont. Quelque temps plus tard, la propriétaire lui offre d’acheter le commerce. Marjolaine ose le défi et devient ainsi à 20 ans, chef d’entreprise. Selon le ministère des Affaires culturelles, la Boutique La Mère Michel est, à cette époque, l’une des plus belles au Québec. Marjolaine accueille et dirige les quelque 198 artisans qui exposent leurs œuvres. Entre-temps, elle devient présidente du Cercle de Fermières de la Durantaye, faisant d’elle, à 21 ans, la plus jeune présidente au sein de cette association féminine provinciale.

Le développement touristique du côté nord du fleuve et ses amours naissantes incitent Marjolaine à vendre son entreprise après trois années de saine gestion. Une fois de plus, elle aura du flair, car l’artisanat déclinera brutalement au tournant des années 1980.
Marjolaine travaille désormais avec son compagnon dans la restauration et s’installe à Ste-Claire. Puis, elle devient maman à deux reprises. Au fil des ans, elle s’active également pour les élections. Elle grimpe un à un les échelons jusqu’à ce qu’elle accède au poste de directrice du scrutin.

Marjolaine cumule ainsi différents emplois. Malheureusement, une blessure sévère invalide son conjoint. Le couple se tourne alors vers l’élevage de chiens de traîneaux. Avec sa petite famille, Marjolaine participera à plusieurs compétitions qui les conduiront, elle et les siens, aux quatre coins de la province. Au plus fort de la production, le couple aura jusqu’à 64 chiens, dont une trentaine de chiots. Pour payer les frais encourus par cette activité, Marjolaine coud des harnais pour les attelages de chiens.

Cette expérience sera très formatrice. Elle organise les sorties plein air qui obligent la petite tribu à quitter sa zone de confort en dormant dans des camps, élargit son cercle d’amis. Elle participe à diverses compétitions même avec un bébé qui dort dans le traîneau. C’est du jamais vu! Elle remportera le premier trophée pour participation féminine et gagnera à maintes reprises le Prix du plus bel attelage, conférant sa plus grande fierté à l’aventure. À l’instar de son animal totem, Marjolaine développera la médecine de la loyauté et de la fidélité. Tant dans sa vie personnelle que dans le giron du Centre-femmes, Marjolaine agit comme gardienne et protectrice, cultive la tolérance et le service et éveille ses troupes à la solidarité. Femme de terrain, Marjolaine observe et agit en mode solutions.

À la fin de décembre 1998, Marjolaine est convoquée en entrevue par Yolande Lépine, organisatrice communautaire au CLSC de Bellechasse. Sous sa tutelle, un comité avait mené une enquête de besoins sur la condition des femmes du territoire. Marjolaine se voit confier la tournée des municipalités pour recueillir des lettres d’appui afin d’obtenir une reconnaissance officielle.

Elle mène si bien sa mission avec «l’écrin de nos besoins», un véritable coffret préparé de ses mains habiles et porteur des revendications féminines, que le Centre-femmes de Bellechasse sera créé l’année suivante. L’assemblée de fondation permet d’élire le premier conseil d’administration et adopte ses grandes orientations. Puis un local est trouvé à Sainte-Claire. C’est le début de l’aventure que certains croyaient bien éphémère!

Le Centre-femmes de Bellechasse

Plusieurs années durant, Marjolaine voit seule aux tenants et aboutissants de l’organisme. Aujourd’hui, sous l’égide du conseil d’administration, quatre animatrices s’affairent avec elle, à temps complet, à sa destinée. Même si les nécessités des femmes demeurent, le Centre-femmes évolue constamment attirant dans son enceinte plusieurs centaines de participantes. Les activités foisonnent au grand plaisir de celles qui fréquentent assidûment les lieux et élargissent leur horizon. L’équipe souhaite d’emblée que les femmes s’assument, développent confiance et assurance, s’ouvrent aux autres, se créent une vie à la dimension de leurs aspirations et talents.
Depuis sa fondation, le Centre-femmes a engendré plusieurs bébés, de belles fiertés, de grandes solidarités. Elle et son équipe sont conscientes d’agir parfois différemment des 94 centres membres de l’R, le plus grand réseau féministe d’action communautaire au Québec. La pièce de théâtre, créée à l’occasion du 10e anniversaire, est un bel exemple de la détermination et de l’originalité des femmes de Bellechasse qui ébranlera certaines assises du réseau.

Souple et engagé à la cause, le Centre-femmes s’inspire de la base de l’unité politique du R pour connaître les droits des femmes, adapter ses actions et souscrire aux grandes causes telles que la première marche mondiale Du pain et des roses en 1995 et les éditions suivantes, les Cordes à linge et autres manifestations pour dénoncer, entre autres, la pauvreté et la violence faite aux femmes. Ce regroupement attise la concertation entre les centres membres, informe et forme adéquatement les animatrices pour mieux répondre aux problématiques qui demeurent identiques tant dans la région bellechassoise que dans tout le Québec, voire même le Canada et le monde.marjolaine-montminy

Même si le Centre-femmes veille au grain, les besoins des femmes pour améliorer leurs conditions et celles de leur famille demeurent. Pauvreté, violence conjugale, égalité entre les sexes, conciliation travail/famille, accès aux soins de santé, maternité, vieillissement de la population, etc.: les questionnements demeurent, s’atténuent ou s’intensifient dépendamment des politiques en vigueur.

Marjolaine conserve un bel optimisme. Les Centres-femmes s’avèrent des lieux communs pour apprendre à la gent féminine à s’exprimer, à confronter les idées, à se responsabiliser pour gagner en autonomie, à renforcer l’affirmation de soi, la créativité et le potentiel d’action.

Ce qui la surprend encore, c’est la peur de plusieurs femmes, particulièrement chez les jeunes, de se dire féministes. On se doit de demeurer vigilantes afin de protéger nos acquis, d’ouvrir de nouvelles portes. Elle demeure convaincue qu’une personne responsable de ses actes, de ses choix, est plus heureuse.

Forte de ses expériences ciselées à même sa personnalité, Marjolaine rayonne, collabore sur de nombreuses tables sectorielles et comités, côtoie les organismes du milieu et représente Bellechasse au sein de L’R.

Le Centre-femmes de Bellechasse est davantage connu. Il est de plus en plus dans la mire du CISSS qui recommande plusieurs personnes aux prises avec des problèmes particuliers.

Le Centre-femmes de Bellechasses a développé au fil de ses luttes et réalisations un leadership fort qui donne le courage d’affronter ensemble toutes situations nuisibles. Pour Marjolaine, un bon meneur est celui qui prend conscience du potentiel de chaque membre de son équipe et propulse le talent et les possibilités à l’avant-plan. Un bon guide est inspiré et inspirant. L’effet «I». «I» pour Inspiration. C’est ce mouvement que provoque Marjolaine en compagnie de toutes les femmes de Bellechasse. Marjolaine invite ainsi toutes les Bellechassoises à prendre leur place. Et le Centre-femmes s’avère une véritable plateforme où l’on se lance de tels défis.

Sylvie Gourde